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Dans les coulisses du Bâtiment d’Assemblage Lanceur d’Ariane 6 31/08/2022 |  4 minutes

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Suite à notre interview avec Laurent Mexmain, Industrial Leader d’Ariane 6 travaillant à l’optimisation du nouveau Bâtiment d’Assemblage Lanceur d’Ariane 6 au Centre Spatial Guyanais de Kourou, nous vous invitons dans les coulisses de ce bâtiment pas comme les autres.

L’arrivée de l’étage supérieur et de l’étage principal d’Ariane 6 au BAL en janvier 2022

©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P. Baudon ; P. Piron

Qu’est-ce que le BAL ?

Au BAL, situé sur le complexe de lancement Ariane 6, au Centre Spatial Guyanais, on accueille différents modules du lanceur pour les préparer et pour constituer ce qu’on appelle le corps central.

Quelle est la spécificité de ce nouveau bâtiment ?

Ces opérations  de constitution du corps central sont réalisées à l’horizontale. Cela permet de s’affranchir de moyens lourds tels que des ponts (voire des doubles ponts comme pour Ariane 5), mais également de bâtiments très hauts et donc énergivores en termes de climatisation pour un lieu comme Kourou, ou encore des systèmes de basculement des conteneurs.

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    L’entrée du BAL lors de l’arrivée de l’étage supérieur et de l’étage principal d’Ariane 6 au Centre Spatial Guyanais
    ©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P.Baudon

    Comment se passe désormais l’arrivée des différents éléments du lanceur ?

    Cette décision de l’horizontalité a, par exemple, eu des impacts sur la réalisation des conteneurs de transport qui, aujourd’hui, s’ouvrent par l’avant. On en retire les étages grâce à un véhicule automatisé guidé (AGV) afin de déplacer les modules jusqu’au système de levage des étages. Les AGV suivent un parcours très précis sur les lignes au sol et sont capables de positionner ces étages (qui font 5,40m de diamètre et entre 10 et 35 mètres de long) à 5 millimètres près !

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      Arrivée des containers de l’étage supérieur et de l’étage principal d’Ariane 6 au BAL en janvier 2022.

      ©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P.Baudon
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        Étage supérieur d’Ariane 6 à son arrivée au BAL après sa sortie de container.
        ©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P.Baudon

        Que se passe-t-il ensuite ?

        L’étage sorti à l’horizontale vient se positionner sur ce que l’on appelle le HAL, Horizontal Assembly Line (Ligne d’assemblage à l’horizontale). On vient positionner l’un après l’autre, les deux modules qui sont l’étage supérieur et l’étage principal. Une fois que ces deux modules sont installés, on positionne des accès mobiles tout autour pour la préparation finale. Il ne s’agit pas de structures de bâtiment lourdes, mais de sortes d’échafaudages mobiles. On peut donc les déplacer facilement à la main ou avec un easy-mover. C’est un petit appareil électrique qui vient assister l’opérateur pour le déplacement de chaque échafaudage. Ils permettent à un opérateur seul de déplacer jusqu’à 3 tonnes. 

        Pouvez-vous nous détailler la préparation des modules avant l’assemblage ?

        On effectue une inspection post transport, un retrait de quelques flammes – des étiquettes qui permettent de visualiser une activité indispensable sur le module-, ou un déverrouillage du système de blocage des moteurs. En effet, en mer, on est obligé, pour éviter les chocs, les accélérations et les contraintes sur les interfaces moteur/structure, de les bloquer. Une fois arrivé, on les laisse tranquillement se reposer par pesanteur naturelle sur une butée mécanique puis on retire les derniers bouchons obturateurs sur les systèmes fluides. 

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          Étage supérieur d’Ariane 6 à son arrivée au BAL après sa sortie de container.
          ©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P.Baudon

          Pour l’étage principal on vient mettre la dernière rangée de tuiles de protection thermique complémentaire sur la tuyère, puisque, contrairement à Ariane 5, la tuyère du moteur Vulcain 2.1 est très proche du jet des ESR (Equipped Solid Rocket), communément appelés boosters. 

          Comment se passe l’assemblage ?

          Quand les deux étages sont prêts, on les assemble. On approche l’étage supérieur de l’étage principal grâce au HAL. On aligne correctement leurs axes via 6 jeux de 3 lasers, puis on les accoste (on les met en contact). Vient ensuite l’étape de la conformité. En effet, ces étages sont si lourds que la pesanteur peut en altérer la circonférence, l’aplatir très légèrement durant le trajet. On leur redonne donc une circonférence parfaite. Ensuite on « visse » les deux étages ensemble.

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            Premier assemblage de l’étage principal et de l’étage supérieur d’Ariane 6 en vue des tests combinés en juin 2022. ©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P.Piron
            Premier assemblage de l’étage principal et de l’étage supérieur d’Ariane 6 en vue des tests combinés en juin 2022. ©ESA-CNES-ARIANESPACE/ Service optique du CSG – P.Piron

            Et après l’assemblage, est-ce que les étages ressortent directement du BAL ?

            Non, à ce stade on y ajoute quelques protections notamment anti-pluie pour parcourir les 800m qui séparent le bâtiment BAL de la Zone de Lancement (ZL) où il sera verticalisé pour la préparation finale au lancement. Enfin, dernières activités qu’on a au BAL : la préparation des interfaces de déconnexion fluidiques, c’est-à-dire tout le système qui sert relie le lanceur aux bras cryotechniques du pas de tir. Enfin on charge les batteries. Plus tard cette charge sera faite de nuit comme on le fait pour un téléphone portable, afin d’éviter de gagner du temps de cycle en journée.

            Suite au premier assemblage de l’étage principal et de l’étage supérieur il y a quelques semaines, peut-on dire que le bâtiment est prêt ?

            Le bâtiment est opérationnel, nous avons désormais la certitude d’avoir l’approche industrielle et l’instrumentation qui vont bien, c’est la concrétisation de plusieurs années de travail. Il reste encore quelques outillages à approvisionner et notre approche Lean, qui consiste à rechercher la performance en matière de productivité, de qualité, de délais et de coûts grâce à l’amélioration continue, implique d’encore optimiser certains procédés. Néanmoins, nous avons déjà fait plusieurs essais via des maquettes qui nous ont permis de valider l’aptitude du BAL.